« Élargis les limites de ton imaginaire pour savoir ce que tu fais ».
Cette citation du philosophe Günther Anders me parle, me touche. Elle illustre parfaitement le lien entre le futur et présent et la question de ma responsabilité, de notre responsabilité pour nos descendants, les vivants, la planète.
Comment j’imagine demain ? Comme un prolongement de ce que je fais, du monde tel qu’il se présente à moi ? Comme un effondrement de ce que je connais, un monde de catastrophes ? Comme une expérience inédite, dans laquelle, je pourrais vivre, un monde à reconstruire ?
J’ai un pouvoir d’imaginer ou, je peux laisser aux autres imaginer ma vie.
Ce pouvoir de l’imaginaire a des répercussions sur ma représentation du futur, donc de ce que je peux agir aujourd’hui. Ce pouvoir m’offre la possibilité de me décoincer d’une sensation désagréable que tout est joué d’avance, à quoi bon chercher à s’en mêler tant tout est imbriqué, complexe, insoluble. Que faire sinon être simple témoin de notre défaite pour sauver la biodiversité, le climat, la planète terre ?
Mes éco-fictions projettent un territoire, un quartier, une rue, une école, une entreprise, une association … entre 2050 et 2070 en décrivant des modalités de vie sous stress du changement climatique tout en faisant le récit de ce qui s’est déroulé entre aujourd’hui et ce futur.
Par exemple les « hotkills days » jour de la chaleur tueuse représentent 10 jours de vie souterraine, les trains sont un lieu de marché, réparer est généralisé, IKEA devient «L’Institut de Kapitalisation des Expériences Apprenantes», la répartition, la régulation de l’énergie se fait au niveau local, l’école est faite en forêt, la culture de lin et de chanvre est développée. La vie professionnelle est à moins d’une heure à pied du domicile…
Souvent, lors de salon du livres, ou ailleurs, j’échange avec des personnes me disant « Je suis trop terre à terre pour imaginer », « La science-fiction cela me fait peur », « Quand j’ouvre un livre de science-fiction cela me tombe des mains, je ne rentre pas dedans », « C’est fait pour les enfants et les ado ».
Lors d’ateliers d’écritures collectives d’éco-fiction, j’observe la surprise des adultes par leur re-découverte de leur capacité d’imagination.
Comment réveiller l’imagination ?
Paradoxalement, la créativité est stimulée par les contraintes. Le pragmatisme est l’une des clés qui permet la rencontre avec des adultes dont l’imagination s’est estompée. Il ne s’agit pas de chercher à créer un opéra de vaisseaux spatiaux et de méchants et gentils aliens. La base est un territoire : un quartier, une ville, des villages, un département, une région, un pays. Ce territoire est projeté en partant des données du Giec, de Météo France, des expérimentations réussies ou non sur des sujets aussi concrets que : se nourrir, se déplacer, se soigner, réparer, se chauffer, éduquer, travailler, se relier, être solidaires, imaginer, gouverner. En combinant l’Intelligence Artificielle et des pratiques de frugalité, en articulant des outils anciens et des outils contemporains, en s’appuyant sur des connaissances traversant les temps, en associant les sciences humaines et la technique.
Comment stimuler l’imagination ?
Par une première étape d’ouverture aux possibles par la lecture d’une éco fiction écrite surmesure par rapport au territoire, à l’entreprise, l’association, l’ecole en mettant en scène des personnages qu’ils soient humains ou non humains dans leur quotidien. Par une autorisation, un encouragement à devenir auteur.e. En incluant collectivement la diversité des imaginaires individuels.
Voici quelques exemples de projection :
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Le Collège de Longeville Saint-Avold avec les 17 éco délégués.
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La ville de Saint-Etienne pour le Collectif pour une Transition Citoyenne dans la Loire avec des habitants.
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Un challenge mondial d’écofiction pour ENGIE.
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Prospective pour une SS2I.
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Les cultes baptême et enterrement du futur avec des pasteurs luthériens alsaciens.
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Et si nous vivions en forêt : La forêt de la Robertsau lors du salon du livre « La nature du livre » avec des familles.
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La ville de Clermont-Ferrand dans le cadre du lancement de l’Observatoire de la Croissance et de la Post Croissance (animé avec mon complice Pierre Gérard), avec des universitaires, des militants, des fonctionnaires territoriaux.
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Le département 77 dans le cadre du programme Européen Leader avec des acteurs du territoire (animé de concert avec Pierre Gérard).
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Les ballades retrofutristes avec des citoyens, rue Port à Clermont-Ferrand, le big vert à l’Illkirch-Graffenstaden, à Montferrand et Beaumont (animées avec mon complice Pierre Gérard, reportage Tikographie de février 2022)
En conclusion :
Chacun de nous a la capacité de jouer de son imaginaire, de ne pas subir ce que d’autres imaginent pour lui. Les décisions que nous prenons aujourd’hui sont guidées par ce que nous projetons. En transformant nos imaginaires, nous transformons notre présent.
« Élargis les limites de ton imaginaire, pour savoir ce que tu fais »
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